Une petite équipe invitée par le centre social d’Avermes cultive un jardin durable aux Isles
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Jardiniers “traditionnels”, Miloud et Hamid sont intarissables sur ce qu’ils ont appris en “écologique” : les jachères pour accueillir les abeilles, la mare qu’ils ont creusée en août, le petit tas de bois pour les hérissons ou encore les méthodes pour garder l’humidité. Paraît-il que leurs voisins des Isles commencent à copier.? – Photos : p. Bigard
Concilier lien social et pratiques écolos, c’est le pari d’une expérience à ciel ouvert à Avermes, où humains, hérissons, abeilles et vers de terre apprennent à vivre ensemble.
«Regardez ces carottes comme elles sont belles. On n’a mis aucun engrais et c’est tout juste si on a arrosé. Et pourtant ça donne ». Miloud, Alain, René et Hamid sont plutôt admiratifs. Et encore un peu sceptiques. Alain « tique » quand il voit les herbes folles au milieu des allées.
Les quatre hommes participent, avec deux autres personnes et quatre encadrants, au jardin durable des Isles à Avermes. Un grand atelier à ciel ouvert, qui leur permet d’apprendre les techniques de jardinage écologique, tout en sortant de leur quotidien, pas toujours rose.
« J’ai perdu mon travail, j’étais chez Potain, explique sobrement Hamid. Plutôt que de ruminer, je participe à cet atelier. C’est le centre social qui me l’a proposé. J’ai appris plein de choses, dans le respect de la nature. J’ai commencé à vouloir bêcher la terre, et on m’a dit, « c’est pas comme ça qu’il faut faire ». Là, on travaille en direct, sans retourner la terre, sans engrais, sans produits. On fait attention aux abeilles, aux hérissons, aux vers de terre… ». Comme un signal, un énorme spécimen de ver de terre déroule ses anneaux à deux pas de ses bottes.
Le caca de ver de terre, c’est super
« Un très bon signe ! », s’enthousiasme Arnaud Bayle, animateur de l’Adater, un des deux chefs d’orchestre (*) de cet atelier hebdomadaire. « Ces vers enrichissent le sol. Quand on a commencé en avril, on a récupéré une terre appauvrie, extrêmement tassée, sur laquelle l’eau ruisselle. Faire un jardin écologique, c’est considérer le sol comme un organe vivant, pas un support de production. On équilibre les apports d’azote, avec le compost et de carbone, en couvrant avec une couche de broyat (des copeaux de bois). On couvre le sol pour que les animaux le travaillent et l’enrichissent ». Un enrichissement qui ne fait que commencer. Mais qui a déjà porté ses fruits.
Si le jardin n’a pas été créé dans une logique de production, il a bien donné : betteraves, pommes de terre, haricots, ail, oignons, poireaux, salades, potirons, radis… Partagés entre tous. Sans oublier les graines, qui seront récupérées pour assurer une quasi-autonomie.
Des légumes pas cher
Miloud pense à copier les méthodes de travail : « J’ai un petit jardin ouvrier à La Madeleine. C’est très intéressant de pouvoir comparer ce qui se fait ici à ce que je fais. Parce que les graines, les plants, l’eau, ça devient cher. Quelqu’un qui touche le RSA ne peut plus se permettre de gérer un jardin tout seul. À la Madeleine, ils sont en train de se partager les terrains ».
Le jardin durable, c’est aussi une mine d’ateliers à thème, qui vont éclore au fur et à mesure : entre la vannerie, la construction d’un mur en pierre sèche, la fabrication de nichoirs et d’hôtels à insectes ou la confection de confitures et de bons petits plats.
Alain, qui n’a plus beaucoup d’espoir de trouver un boulot, avec son dos abîmé et ses 53 ans, n’attend que ces ateliers cuisine pour se révéler : « J’adore ça, la cuisine. Les terrines, le coq au vin, ce que vous voulez ».
(*) Les chefs d’orchestre de cet atelier sont le Conseil général et l’Adater (Association d’éducation à l’environnement en Val d’Allier), soutenus par la Caf, l’État et la Com’ d’agglo.
Mathilde Duchatelle